Le processus de conciliation par lequel deux parties parviennent à se mettre d’accord malgré leurs différends est particulièrement complexe. Il convient de regarder de l’avant, de s’engager vers une solution malgré un fond de conflit, dépasser ses émotions pour trouver une solution rationnelle à des problèmes qui ne le sont pas.
Le droit collaboratif est d’abord et avant tout l’irruption des techniques issues de la psychothérapie dans la prise en charge d’un contentieux. Il s’agit pour l’avocat de comprendre le thème narratif d’un conflit afin orienter par un cadrage positif les discussions dans la bonne direction.
Le droit collaboratif procède par la scénarisation d'une négociation ayant pour but d’amener les personnes en conflit à trouver une solution mutuellement acceptable.
Comment ça marche ?
Prenons le cas d’un divorce par consentement (mais cela peut aussi s’appliquer mutantis mutatis à la liquidation amiable d’une société ou d’un accord de partenariat).
Deux parties entre dans un conflit à un niveau personnel et émotionnel. Un désir de vengeance ou une souffrance, qui se traduit par une attaque de l’ancien partenaire, peut être à fleur de peau. Surtout si un des époux a manqué à ses devoirs conjugaux. Le dialogue est alors souvent presque impossible.
Par quelles séries de techniques, est-il possible d’ouvrir de nouveau le dialogue, de trouver un chemin de résolution du différend ?
La procédure collaborative utilise un certain nombre de techniques découlant de bais cognitifs ( issues en parties des psychothérapies dites brèves et orientées solution).
Le (re)cadrage :
Une procédure collaborative commence par une déclaration d’intention des parties. Chacune d’elle s’exprime et déclare à l’autre ses attentes, ses peurs et ses intentions pour le futur.
Il y a cadrage, car la déclaration des deux époux établit le cadre du discours : elle permet d’ancrer le débat dans l’avenir, vers la solution, et non vers le passé.
En analyse structurale, on cadre le discours sur rapport parent/parent.
La réciprocité :
Chaque époux s’ouvre à l’autre et déclare ses attentes. Cela entraîne forcément une transaction à un niveau infra-conscient, ou chacun offre à l’autre ses peurs et ses espoirs. Une telle ouverture crée un lien naturel de sympathie.
Le principe de cohérence :
Le principe psychologique de cohérence entraîne que l’esprit humain a tendance à être cohérent et à persévérer dans une direction, une fois celle-ci initiée.
Le fait que les époux prennent publiquement acte (effet dit pied dans la porte) de leur volonté d'une résolution amiable du litige génère une séquence de comportements persévérant dans ce sens.
La mise en place d’un calendrier de rencontres et la signature d’une entente participative viennent renforcer ce principe de cohérence par des demandes d'engagement de plus en plus fortes et formelles.
L'aversion à la perte (sunk cost fallacies):
Il est plus difficile d’accepter un gain qu’une perte. Ce principe se retrouve fréquemment quand, par exemple, après avoir débuté une activité, il devient de plus en plus difficile d'y renoncer.
Le début de la procédure dite amiable rend moins envisageable de tout abandonner pour débuter une procédure contentieuse. Une inertie vers la résolution amiable du différend se crée.
Un des principes de la procédure collaborative est que les avocats doivent se récuser en cas de saisine judiciaire. Dans ce cas, tout est à refaire. Le coût d'opportunité de quitter la procédure est donc augmenté, rendant moins attractif cette possibilité.
Le divorce collaboratif dans tout ça ?
L’action commune de ces divers principes psychologiques, tout au long de la procédure, permet de mettre en place un cadre de discussion qui prépare mentalement à aller en direction de la résolution du différend.
Une procédure amiable qui ne mettrait pas en œuvre ces différents principes psychologiques désactiverait sa puissance de fonctionnement et perdrait sa pertinence.
Hugo Winckler - Avocat au Barreau de Paris - Praticien en procédure collaborative
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