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  • Photo du rédacteurHugo Winckler

Divorce et négociation 2 – Ce que nous enseigne la théorie des jeux

Dernière mise à jour : 1 avr. 2020

Négocier est d’abord une activité stratégique. Pour obtenir quelque chose, il ne suffit pas de le vouloir ; il faut mettre en place un processus favorisant.

La négociation est un jeu dynamique et interactionnel. Nos demandes se réaliseront en fonction des réactions de la partie adverse. Dès lors, le résultat de la négociation ne résulte d’aucune loi, mais est un point d’équilibre. Si le droit donne le cadre des attentes et des expectations légitimes, le résultat de la négociation dépendra des attitudes, stratégies et demandes des parties.


La notion de point d’équilibre est essentielle. Une bonne négociation financière peut avoir des conséquences humaines futures importantes. Ainsi, un époux intransigeant sur le montant de la prestation compensatoire peut voir sa relation avec ses enfants affectée. Il y a donc une réflexion d’ensemble à garder à l’esprit.


Plusieurs éléments et concepts issus de la théorie des jeux et de l’économie comportementale permettent de bien cadrer une négociation.


Ce que je veux vraiment & ce qu’elle/il veut – La zone marginale d’acceptation


La zone marginale d’acceptation est l’espace subjectif au sein duquel l’accord peut prendre forme. Elle se situe à la rencontre de deux questions : Qu’est-ce que je veux ? Qu’est-ce qu’il/elle veut?


Savoir ce que l’on veut permet de déterminer les bornes de notre acceptation.

En jargon technique, les deux courbes d’utilité se rencontrent dans la zone marginale d’acceptation.


Le graphique ci-dessous met en scène ces concepts. Il n’a qu’une vocation schématique. Dans la réalité, les besoins et demandes d’un individu ne s’alignent jamais sagement sur une courbe unique.



Figure 1 - Graphique des courbes d'utilité


Le point de rencontre est en théorie le sweet point. Toutefois, ce n’est pas parce que l’on se trouve au point de rencontre que l’on a un accord : tout accord est subjectif, le point de rencontre ne se transforme en accord que si et seulement si, les deux parties voient ce point comme effectivement le lieu de rencontre. En réalité, la rencontre se fait quelque part dans la zone marginale d’acceptation.


Ce type de schéma utilitariste fait l’objet de modélisations très poussées dans le cadre de contentieux ou d’arbitrage contractuel important pour aider à la prise de décision.


Les vecteurs de décision – L’influence indirecte


L’influence est un art oblique. On influence par le côté. Un expert en marketing pour vendre un parfum ne dira pas qu’il sent bon. Il montrera une femme belle et libre et un homme rebelle roulant la nuit dans le désert. Il s’agit d’une influence indirecte par identification.


Dans une négociation de divorce, le plus important est d’influencer sur les vecteurs de décision (voir Divorce et négociation 1). Comment la partie en face va prendre sa décision et sur quels critères ? Influencer sur ces critères permet de déplacer la Zone Marginale d’Acceptation et d’en définir les contours.


Monsieur sait que Madame veut acheter un nouveau bien après le divorce. Il est possible de faire pencher la discussion sur le montant de la prestation compensatoire vers les modalités d’achat de ce bien. La Zone Marginale D’Acceptation commence à la position financière qui permettra à Madame, au maximum de sa capacité d’emprunt, d’acheter un bien tout juste acceptable. Elle finira au montant maximum que Monsieur peut consentir sans se retrouver dans une situation financière intenable.


Dès lors, il convient d’analyser quels paramètres de décision jouent à notre avantage et de les suggérer adroitement.


Influencer sur les vecteurs de décisions permet de faire bouger les lignes de la zone marginale d’acceptation en notre faveur pour déterminer la Plus Mauvaise Option Possible.


Les paramètres subjectifs de décision – La Plus Mauvaise Option Possible


Le Plus Mauvaise Option Possible est le point qui se trouve à la limite de la zone marginale d’acceptation de la partie en face, c’est-à-dire de la plus mauvaise solution acceptable pour l’autre partie. Il s’agit de l’offre juste assez bien pour que la partie en face se dise : ça passe.


Dans notre schéma, la plus mauvaise option possible pour Madame se trouve au point A et pour Monsieur au point B.


Comment vous l’avez remarquez : on analyse en négatif. Quelle est la plus mauvaise option pour l’autre et non la meilleure option pour moi. En stratégie, il faut toujours partir du point de vue de l’autre et non du sien.


Ce que je dis le premier ! L’Ancrage


Le point d’ancrage est bien connu des négociateurs. Faire une proposition en premier permet d’ancrer le débat. Toute proposition postérieure se fera selon ce point d’ancrage. Dès lors, il convient de faire ce point d’ancrage dès que possible.


Où ancrer ? A la plus mauvaise option possible ! Pour Monsieur, on Ancre au point A, pour Madame, au point B.


Ni au-dessus, ni en-dessous. Juste à l’endroit de la Plus Mauvaise Option Possible de la partie en face. Si vous demandez trop, alors votre ancrage est trop loin de la rive et ne prend pas. Il convient d’ancrer à un point qui soit sur les limites extérieures de la zone marginale d’acceptation.

La détermination du la Plus Mauvaise Option Possible doit être fait avec précision. Il convient d’abord de déterminer les vecteurs de décision et de les vérifier. Ensuite, il convient de faire des recherches pour chiffrer les demandes. Il s’agit du travail le plus important dans le cadre de la préparation de la négociation de divorce.


La force de l’intransigeance – le crédit et la transaction


Une fois l’Ancrage placé au niveau de la Plus Mauvaise Option Possible, il convient de tenir ferme. Le contradicteur va vouloir améliorer sa position mais le fera non pas du centre, mais de sa zone marginale. La négociation lui demandera plus d’énergie et aura moins de chance d’aboutir à un accord biaisé en sa faveur .


Toute concession doit être : lente, pénible et douloureuse (voir Divorce et Négociation 3). Il convient de construire du crédit autour de sa position en n’en bougeant que le plus lentement possible comme si elle était une substance collante et visqueuse dont on ne parvient pas à se dépêtrer.


Hugo WINCKLER

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