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  • Photo du rédacteurHugo Winckler

Devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneur d’ordre : la loi est promulguée

Dernière mise à jour : 1 avr. 2020


Adoptée à la suite du drame du Rana Plaza au Bangladesh dans lequel plus de 1 100 travailleurs ont perdu la vie, la loi obligeant les multinationales à établir un plan de vigilance a été promulguée le 28 mars 2017.


La loi finalement applicable est toutefois largement amputée de son volet répressif puisque les sanctions financières prévues, et pouvant aller jusqu’à 10 millions d’euros, ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel.


Le dispositif conserve toutefois un caractère obligatoire pour les sociétés visées qui devront élaborer un plan de vigilance couvrant notamment les conditions de travail des travailleurs de leurs filiales ou de leurs sous-traitants à l’étranger.


1- Quelles sont les sociétés concernées ?


Sont concernées par ces nouvelles obligations les sociétés ayant leur siège en France et employant au moins 5 000 salariés à la clôture de deux exercices consécutifs en leur sein ou dans leurs filiales, directes ou indirectes, ainsi que les sociétés ayant leur siège à l’étranger et employant au moins 10 000 salariés.


En l’état, le nombre de sociétés concernées est donc relativement limité mais le dispositif pourrait être élargi à l’avenir.


En revanche, le plan de vigilance a un champ d’application extrêmement large puisqu’il doit concerner, outre les filiales dans lesquelles la société mère exerce une influence dominante (détention du capital, nomination des organes d’administration …), les sous-traitants et fournisseurs avec lesquelles la société mère entretient des relations commerciales établies.


Toutes les entreprises avec lesquelles la société entretient des relations commerciales régulières doivent donc être associées et visées par le plan de vigilance.


2- Que doit contenir le plan de vigilance ?


Le plan doit notamment comporter les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité́ des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société́ et de celles des sociétés qu’elle contrôle.


La loi dispose également que « Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d’initiatives pluripartites au sein de filières ou à l’échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :

1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

2° Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

3° Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

4° Un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité. »


En d’autres termes, le législateur s’est inspiré des obligations en matière de sécurité au travail existant en droit français (document d’évaluation des risques, mesures de prévention, droit d’alerte …) pour élargir cette obligation aux activités internationales des sociétés entrant dans le champ d’application de la loi.


Bien que ces plans ont vocation à être établis en fonction des spécificités territoriales de leur zone d’application, les organisations syndicales représentatives devront être associées à la mise en œuvre de ce plan au moins dans le cadre d’une procédure d’alerte et de signalement des risques.

La loi n’impose en revanche pas d’associer les organisations syndicales à l’adoption du plan de vigilance qui pourra donc être établi de manière unilatérale.


Enfin, le plan de vigilance devra être rendu public, ce qui devrait inciter de nombreuses associations à émettre leurs observations sur la conformité des sociétés à cette nouvelle obligation.


3- Quelles sanctions ?


Aucune amende ni sanctions financières ne sont prévues en l’absence de plan puisque les dispositions du projet initial prévoyant ces sanctions ont été censurées par le Conseil constitutionnel (DC n°2017-750 en date du 23 mars 2017).


En revanche, le dispositif législatif prévoit la possibilité pour toute personne y ayant un intérêt d’engager la responsabilité de la société n’ayant pas mis en place de plan de vigilance dans les conditions de responsabilité droit commun.


La seule absence de plan ne saurait donc suffire à engager la responsabilité des sociétés défaillantes en la matière.


La loi prévoit enfin la possibilité pour toute personne y ayant un intérêt, après mise en demeure d’adopter un tel plan restée infructueuse pendant au moins 3 mois, de saisir le Président du Tribunal de Grande Instance afin qu’il enjoigne à la société concernée de se conformer à ses obligations sous astreinte.


Nul doute que cette procédure devrait être utilisée par des associations de défense des travailleurs ou de l’environnement afin de mettre la pression sur les entreprises n’ayant pas adopté de plan de vigilance.


4- Quel impact pour les relations commerciales avec les sous-traitants ?


En pratique, outre l’adoption d’un plan de vigilance et un suivi régulier de son respect par les filiales et sous-traitants, les sociétés concernées ont tout intérêt à modifier leurs contrats commerciaux et de sous-traitance afin d’insérer des dispositions faisant référence à cette nouvelle obligation de vigilance.


Et ce d’autant que la mise en œuvre des mesures de prévention et de contrôle supposera nécessairement la coopération des acteurs locaux.


L’adoption d’un tel plan pourra également, pour les sociétés les plus investies, constituer un véritable outil de communication et de reconnaissance des efforts fournis pour respecter autant que possible des conditions dignes de travail y compris à l’égard de travailleurs étrangers ne bénéficiant pas d’une protection particulière dans leur pays d’origine.


Pour prendre connaissance du dispositif définitivement adopté : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2017/3/27/ECFX1509096L/jo


Tristan HUBERT


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