De plus en plus nombreuses sont les entreprises à faire appel à des indépendants, auto-entrepreneurs ou à des « freelance » pour faire face à une surcharge de travail en leur sous-traitant une partie de l’activité ou pour mobiliser des compétences dont elles ne disposent pas en leur sein.
Cela permet à ces entreprises « donneuses d’ordres » d’accepter des marchés sans avoir à recruter, former et conserver le personnel salarié après l’accomplissement de la mission.
Ces indépendants n’étant pas salariés, cela évite également à l’entreprise faisant appel à eux d’avoir à les déclarer auprès des organismes sociaux, à payer des cotisations et à avoir à gérer les éventuelles absences de ces travailleurs.
En d’autres termes, si la prestation de travail est facturée par le travailleur indépendant et représente donc un coût, faire appel à ce type de travailleurs offre une très grande souplesse dans la gestion des ressources et permet de limiter les risques liés à l’embauche d’un salarié.
Ce type d’organisation n’est toutefois pas sans risques puisque la multiplication du recours à des indépendants s’est accompagnée d’un élan de contestations visant à obtenir, pour ces travailleurs indépendants, le statut de salarié au sein de l’entreprise pour laquelle ils ont accompli des prestations de service.
Dans quels cas y-a-t ‘il requalification du contrat commercial en CDI ?
Le mécanisme de requalification est à la fois simple et impitoyable pour les entreprises donneuses d’ordres, puisqu’indépendamment de ce qui pourrait être prévu par le contrat commercial, il y aura requalification si le travailleur indépendant justifie (Cass. Soc. 19 décembre 2000, n°98-40572) :
D’une prestation de travail ;
D’une rémunération ;
De l’existence d’un lien de subordination.
Les conséquences financières peuvent alors s’avérer très lourdes pour l’entreprise donneuse d’ordres qui pourra notamment se voir contrainte de régler au travailleur indépendant un éventuel complément de salaire en cas de rémunération inférieure au SMIC, des heures supplémentaires, des indemnités de licenciement, les cotisations sociales versées par l’indépendant ainsi que d’éventuels dommages et intérêts pour travail dissimulé.
L’entreprise donneuse d’ordres s’expose également, en cas de requalification, à des condamnations pénales au titre du travail dissimulé résultant du recours à des faux indépendants, ces sanctions ayant été considérablement accrues au cours des dernières années.
Comment prévenir les risques de requalification en CDI ?
Pour autant, ces contestations, voire les premières condamnations prononcées en la matière, ne doivent pas terroriser les entreprises qui font appel ou qui comptent faire appel à des travailleurs indépendants puisque des moyens existent afin de limiter le risque de requalification.
Les entreprises faisant appel à des indépendants doivent ainsi être particulièrement vigilantes à l’existence d’un lien de subordination.
Plusieurs éléments permettront à l’entreprise poursuivie au titre de la requalification du contrat d’indépendant en CDI d’éviter une condamnation, en justifiant par exemple que le travailleur indépendant :
S’est bien déclaré en tant que tel aux organismes compétents ;
N’est soumis à aucun horaire de travail ;
A convenu du prix de la prestation forfaitairement et non en fonction du nombre d’heures ou de jours de travail ;
Accompli sa prestation sans consignes ni contrôle de la part du donneur d’ordres ;
A son propre matériel et équipements (cartes de visite, site internet, adresse e-mail …) ;
A la possibilité de travailler ou travaille pour d’autres donneurs d’ordres.
Une attention particulière doit être portée aux cas où l’entreprise donneuse d’ordres fait appel à des travailleurs indépendants qui sont d’anciens salariés de cette même entreprise. Dans une telle hypothèse, les juridictions apprécient en effet avec une particulière sévérité l’exigence d’indépendance du travailleur en ayant tendance à considérer que le changement de statut des anciens salariés a été dicté par l’entreprise donneuse d’ordres (Cass. Crim. 15 décembre 2015, n°14-85638).
L’idée est qu’au delà de ce qui peut être prévu par le contrat commercial, l’entreprise utilisatrice devra prouver que le travailleur indépendant est véritablement indépendant dans l’accomplissement de sa prestation pour se ménager tout risque de requalification.
Il est donc primordial pour l’entreprise donneuse d’ordres, tant au moment de la conclusion du contrat commercial avec l’indépendant que pendant l’exercice de sa prestation, de veilleur à son indépendance avec la plus grande attention.
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