Depuis le 30 juillet 2020, l’ordonnance n°2019-116 transposant la directive 2018/957 du 28 juin 2018 sur le détachement est entrée en vigueur. Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre général de la lutte contre le dumping social et la volonté des autorités européennes de renforcer les droits des salariés détachés en alignant leur statut au plus près des salariés du pays d’accueil.
Première observation : l’ordonnance vise les détachements effectués dans le cadre d’une prestation de services, à l’exception du personnel roulant des entreprises de transport routier, qui est expressément exclu du champ d’application de la Directive.
Or, il convient de rappeler que 3 types de détachement de salariés existent, outre les détachements de salariés intérimaires :
le détachement effectué dans le cadre d’une prestation de services ;
le détachement effectué au sein d’un groupe ;
le détachement effectué pour le compte de l’employeur.
Pourtant et nonobstant les spécificités de chacun de ces détachements, qui correspondent à des situations très différentes en pratique, le législateur français n’a pas entendu distinguer en fonction du type de détachement.
Faut-il en déduire que les détachements intragroupe et ceux effectués pour le compte de l’employeur sont également concernés par les nouvelles dispositions prévues par cette ordonnance ? La réponse est manifestement affirmative au moins pour les premiers dans la mesure où la Directive 2018/957 vise notamment les détachements intragroupe et les détachements effectués pour le compte de l’employeur0
Et ce d’autant que la Direction Générale du Travail a, dans la nouvelle Instruction spécifique au détachement publiée le 19 janvier 2021, assimilé les détachements intragroupe à une sous-catégorie de détachements effectués dans le cadre d’une prestation de services.
A noter que dans cette même Instruction, la DGT semble considérer que les détachements effectués pour le compte de l’employeur sont en revanche une catégorie distincte des détachements prestations de services, lesquels pourraient donc échapper à l’application de ce nouveau noyau dur.
Dans ces conditions et en dépit de la rédaction maladroite des textes susvisés et de leur caractère très contestable, qui ne manquera pas de poser des difficultés, la prudence, au regard notamment de la sévérité des autorités de contrôle en matière de détachement, est vivement recommandée et il convient d’appliquer les dispositions de l’ordonnance à l’ensemble des salariés détachés, quel que soit le type de détachement.
Sur le fond, l’ordonnance distingue les détachements d’une durée allant jusqu’à 12 mois (1°/) des détachements d’une durée supérieure (2°/).
1°/ L’élargissement du « noyau dur » pour les détachements d’une durée jusqu’à 12 mois
L’article L. 1262-4 du Code du travail nouvellement rédigé dispose que les employeurs détachant des salariés en France doivent leur garantir l’égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies sur le territoire national en leur assurant le respect des dispositions légales et conventionnelles dans les domaines listés par le texte (droit de grève, sécurité …).
En pratique et pour les détachements jusqu’à 12 mois, l’ordonnance impose aux employeurs d’assurer désormais aux salariés détachés :
1.1°/ Une rémunération au moins égale aux dispositions légales et conventionnelles de l’État où le salarié est détaché.
Pour rappel, la rémunération s’entend au sens de l’article L.3221-3 du Code du travail en ce qu’il dispose que : « Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier. ».
Autrement dit, les salariés détachés se voient appliquer les conventions collectives applicables à l’activité de leur employeur. La rémunération à prendre en compte n’est pas uniquement celle du salaire de base mais inclut également les éventuelles majorations pour heures supplémentaires, travail de nuit ou encore les jours fériés, tout comme les différentes primes conventionnelles (13ème mois, prime de naissance …) ;
1.2°/ Le remboursement des frais professionnels correspondant aux frais de repas, transport et hébergement.
En pratique, ces remboursements étaient déjà assurés par les employeurs préalablement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Il conviendra toutefois de bien documenter les frais exposés et remboursés par le salarié afin de pouvoir en justifier, notamment auprès de l’URSSAF, en cas de contrôle.
A noter que cette durée de 12 mois peut être prolongée de 6 mois « si l’exécution de la prestation le justifie ». Le motif doit être en lien avec la prestation (retard pour cause d’intempéries, non livraison du matériel requis …) et l’employeur devra alors compléter sa déclaration préalable de détachement des salariés concernés en utilisant le télé-service « SIPSI », en indiquant la durée de dérogation souhaitée et son motif.
2°/ L’application quasi intégrale du droit du travail français au-delà de 12 mois
Pour les détachements dits de « longue durée » (supérieurs à 12 mois), l’intégralité du droit français se trouve applicable aux salariés détachés.
En pratique et au regard du champ d’application déjà très large du « noyau dur » applicable aux détachements d’une durée jusqu’à 12 mois, cette application intégrale n’apporte pas un renforcement significatif des obligations des employeurs en cas de dépassement de la durée de 12 mois.
Et ce d’autant que sont exclues les dispositions relatives à la formation et à la rupture du contrat de travail (lesquelles demeurent régies par la législation du pays d’origine), aux CDD, ou encore les dispositions relatives aux transferts de contrat de travail.
Attention, dans le cadre d’un remplacement d’un salarié détaché sur le même poste de travail, le seuil de 12 mois s’apprécie en cumulant les durées des deux salariés détachés.
Enfin et précision importante : ce seuil de 12 mois n’a aucune conséquence en matière de sécurité sociale et de maintien à la législation du pays d’origine. Ainsi, les durées prévues par les conventions bilatérales restent applicables aux salariés détachés.
En conclusion, l’entrée en vigueur de cette Directive ne révolutionne pas fondamentalement les détachements opérés en France même si elle marque un renforcement des droits des salariés détachés. Il conviendra donc d’être vigilant sur les lettres de détachement des salariés et, de manière générale, dans les informations mentionnées dans les déclarations préalables de détachement afin de s’assurer du respect des dispositions conventionnelles.
Et ce d’autant que la Direction Générale du travail a publié, le 19 janvier 2021, une Instruction spécifique pour les contrôles opérés en matière de détachement de salariés en France rappelant que lors d’un contrôle, l’Inspection du travail peut notamment se faire remettre les bulletins de paie ou tout document équivalent attestant de la rémunération et comportant notamment le détail de la rémunération (horaires de travail, majorations, congés et jours fériés …).
Le cabinet EVERGREEN LAWYERS est en mesure de vous assister dans le cadre du détachement de vos salariés sur le sol français, n’hésitez pas à nous contacter.
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